Qu'est-ce
que l'érosion?
Qu'est-ce que l'érosion?*
"
L'érosion est le résultat des actions externes
qui provoquent la dégradation du relief " nous dit
le dictionnaire. Les montagnes pyrénéennes sont
en effet en permanence agressées à la surface
de la terre. Cette agression naturelle se fait de façon
visible (torrents, glaciers, éboulements) ou de façon
plus subtile (action du vent, action de la pluie, variations
de températures, influence de la végétation).
Cependant, l'érosion n'est pas qu'un phénomène
de surface, elle existe aussi en profondeur et affecte ainsi
le relief de multiples façons. Enfin, il faut aussi mentionner
les dégradations artificiellement introduites par l'homme
(déboisement, constructions, pollution). Ce sont toutes
ces actions qui ont façonné les paysages tels
qu'ils nous apparaissent aujourd'hui.
Les paysages Pyrénéens évoluent-ils dans
le temps?*
Le
paysage que nous observons est une photo prise à un instant
donné de l'évolution de la chaîne de montagnes.
En réalité les paysages changent en permanence
à l'échelle du temps géologique.
Ainsi, année après année, siècle
après siècle, millénaire après millénaire,
les roches des montagnes se désagrègent, les fragments
les plus gros entraînés par la gravité s'accumulent
au bas des pentes tandis que le vent et l'eau emportent les
débris les plus fins. Progressivement ces éléments
sont acheminés par les eaux courantes vers la plaine
et enfin vers la mer. La montagne devient grain de sable!
Toutes
les montagnes, aussi hautes soient-elles, sont ainsi soumises
à cette érosion implacable qui les rabote jusqu'à
les réduire, sur des millions d'années, à
l'état de surfaces planes appelées pénéplaines.
Au cours des temps géologiques, bien des montagnes de
notre Terre ont ainsi été démantelées
et totalement arasées.
Il
est ainsi difficile d'imaginer cette immense chaîne ancestrale
qui s'élevait il y a 300 millions d'années, à
la fin de l'ère Primaire, bien avant la formation
des jeunes montagnes actuelles que nous appelons Pyrénées,
apparues il y a seulement...40 millions d'années durant
l'ère Tertiaire. Aujourd'hui, de cette chaîne
ancestrale disparue (et enterrée sous 10 000 m de sédiments
dans le Bassin Aquitain) il ne reste que quelques vestiges exhumées
lors du soulèvement des Pyrénées. C'est
le cas du Pic du Midi d'Ossau entre vallée d'Ossau et
vallée d'Aspe.
Comment " lire " le paysage pyrénéen?*
C'est
par des processus mécaniques et chimiques que cette érosion
sculpte le relief des montagnes. Le démantèlement
de la chaîne de montagnes se fait inexorablement à
toutes les échelles, à celle du massif comme à
celle du cristal, qu'il s'agisse de la pluie (qui mobilise les
éléments moléculaires lessivés),
du vent (qui déplace les fines particules), d'un torrent
(qui entraîne boues et cailloux) ou d'un glacier (qui
pousse ces gros blocs appelés moraines ). On comprend
donc d'autant mieux l'importance du climat dans ce phénomène
que l'agressivité des éléments changent
non seulement d'une région à une autre (influence
atlantique ou méditerranéenne le long des Pyrénées)
mais évoluent aussi au cours de l'histoire géologique.
En effet, l'étude des paléoclimats nous apprend
que dans les Pyrénées les variations ont été
extrêmes, du climat tropical de l'ère Tertiaire
aux glaciations de l'ère quaternaire. Ceci entraîne
aussi des changements importants du niveau des mers, de la géographie
côtière et du réseau hydrographique (depuis
10 000 ans le niveau des mers est monté de près
de 100m en raison de la fonte des glaces. La mémoire
humaine s'en souviendrait à travers les vieux récits
et mythes parvenus jusqu'à nous tels ceux du Déluge
ou de l'Atlantide).
Enfin,
les roches agressées ne réagissent pas de la même
façon selon leur nature et leur dureté. Les degrés
de dureté varient beaucoup entre un granite compact ,
un grès, un calcaire ou une argile tendre. Le développement
de la végétation prend alors toute son importance
car si le couvert végétal et son sol protègent
les roches des agents d'érosion de surface (eau, vent,
gel) , par ailleurs ils favorisent le développement des
racines, l'infiltration de l'eau, la dissolution chimique et
la dislocation des roches en profondeur.
Ainsi
les éléments érosifs n'auront pas tous
la même force d'altération et d'abrasion dans l'espace
et le temps ni la même puissance de transport mais tous
conduiront à mobiliser et évacuer ces débris
solides qui se redéposeront ailleurs.
L'érosion et la formation du paysage
pyrénéen ?**
Altération,
érosion, transport, sédimentation et diagenèse
constituent le cycle de l'évolution d'une roche. Cette
roche sera en permanence agressée par les agents atmosphériques
mais aussi par l'homme. L'altération et l'érosion
contribuent à " grignoter " la montagne jusqu'à
la réduire à l'état de pénéplaine.
Ce sont ces actions complexes, actives à la fois dans
le temps et l'espace, qui modèlent la montagne. Nous
allons examiner ces multiples actions en apprenant à
lire leur histoire géologique dans le paysage qui nous
entoure.
Comment la pluie érode et modèle
le paysage?**
La
pluie en s'infiltrant dans les fractures et fissures des roches
se trouve directement en contact avec les cristaux des roches
qu'elle attaque par un processus chimique (hydrolyse,
hydratation, oxydation ou dissolution). La neige et le gel (en
hiver) ou les variations de températures et l'évaporation
(en été), favorisent à partir de cette
eau de pluie infiltrée la fragmentation de la roche par
un processus mécanique. Par la suite les bactéries,
lichens et les racines des végétaux qui s'infiltreront
dans ces fissures y trouveront un milieu humide propice à
leur développement et aideront à cette dislocation
par un processus biochimique. Selon le degré de
fissuration, selon la capacité de résistance des
minéraux à cette altération et selon l'abondance
des précipitations, la roche pourra être attaquée
sur plusieurs mètres de profondeur voire, plusieurs centaines
de mètres, dans la zone où l'eau circulera jusqu'à
atteindre la nappe phréatique. Les eaux circulant
en profondeur puis remontées en surface sont dites thermales
car elles sont chaudes et riches en minéraux.
La
chaîne des Pyrénées est constituée
de roches très variées qui réagiront différemment
à l'érosion. C'est un massif globalement symétrique
si on le traverse du nord au sud: la zone centrale est
formée de roches sédimentaires très anciennes,
datant de l'ère primaire, très déformées
et où sont mis en surface des noyaux granitiques et volcaniques
durs. Les flancs, de part et d'autre de cet axe, sont appelés
zones nord et sud pyrénéennes et sont surtout
constitués de roches calcaires massives et de marnes
plissées datant de l'ère secondaire. Au delà,
les piémonts gréseux et argileux peu déformés
constituent les bordures du bassin aquitain en France
et du bassin de l'Ebre en Espagne, formés depuis
l'ère tertiaire et continuant à recevoir les produits
actuels de l'érosion des montagnes.
L'importance
du couvert végétal, qui contrôle l'existence
sur la roche d'un sol plus ou moins épais et riche en
humus, est fonction de la pente, de l'ensoleillement et de l'humidité.
Cette végétation limite l'érosion mécanique
directe mais favorise l'altération chimique en profondeur.
Des différences marquées sont observables entre
le versant français (humide et vert, d'influence atlantique)
et le versant espagnol (plus sec et aride, d'influence méditerranéenne).
De même entre les sommets pelés à 2000 ou
3000m et le fond verdoyants des larges vallées à
200 ou 300m subissent des conditions climatiques extrêmes
provoquant des modes d'érosion et des types de paysages
différents. Sur la photo ci contre on peut observer
l'érosion évidente de la marne et également
une érosion fossile marquée par une discordance
angulaire des terrains quaternaires ferrugineux sur les marnes
grises du dessous.
Le
granite
et les roches
volcaniques sont des roches très dures,
qui produiront des pitons (pic du Midi d'Ossau) tandis que les
plateaux granitiques s'éroderont en masses arrondies
( massif de Cauterêt). Le
calcaire
est une roche sédimentaire dure mais soluble,
ainsi les pics sont modelés en aiguilles (Aiguilles d'Ansaberre)
et les plateaux calcaires formeront des karsts truffés
de gouffres et de canyons (massif de la Pierre Saint Martin,
canyons du Haut-Aragon). Le grès
est une roche sédimentaire dure mais friable qui forme
des falaises abruptes et des pinacles( Mallos de Riglos). L'argile
est une roche tendre qui produit un relief en creux ou donne
un paysage de collines.
Comment les glaciers érodent et modèlent
le paysage?**
Les
glaciers résultent de la transformation par tassement
(compaction) des neiges permanentes en glace dans les chaînes
de montagnes suffisamment élevées et froides.
En amont les glaciers creusent des cirques tandis que
les langues glaciaires en mouvement arrachent des blocs
de taille qui raclent et élargissent le fond des vallées
en forme de U ( ou auges selon une coupe verticale transverse).
Lorsque
le glacier fond, il abandonne les matériaux erratiques
transportés (moraines) et les déposent
sur place en position latérale et frontale sous forme
de petites collines désorganisées (vallum) mais
suffisamment importantes pour retenir des lacs. Parfois les
indices du passage des glaciers sont plus ténus et on
ne retrouve que des surfaces striées, cannelées
(comme sur l'image ci-contre) ou de la farine de roche
produites par l'abrasion.
Dans
les Pyrénées le climat n'a pas toujours été
tempéré comme nous le connaissons aujourd'hui.
Jusqu'à la fin du Tertiaire il a été plus
chaud qu'aujourd'hui puis il s'est brutalement refroidi. Pendant
les deux derniers millions d'années une succession de
périodes glaciaires
et interglaciaires a frappé nos latitudes, modifiant
profondément la faune et la flore de l'époque.
Ainsi les premiers hommes du paléolithique moyen ont
connu le maximum de glaciation du massif pyrénéen,
il y a 35 000 ans, et ils chassaient le renne dans un paysage
de steppe au pied des montagnes. Puis lentement le réchauffement
climatique a provoqué la fonte des glaces, la végétation,
les animaux et l'homme ont occupé l'espace, mettant ainsi
en place il y a 10 000 ans des paysages semblables à
ceux que nous connaissons aujourd'hui. Depuis 7000 ans le climat
n'a plus subi de grandes variations et a permis la grande révolution
du Néolithique lorsque l'homme chasseur est devenu agriculteur
en inventant l'élevage et la culture.
Les
nombreux sites préhistoriques
souvent mal connus (Mas d'Azil, grottes de Niaux, de Gargas,
etc...), et autres dolmens ou menhirs de la région (Plateau
du Benou, Arudy, etc...), témoignent d'une conquête
précoce des montagnes par les chasseurs puis les pasteurs
il y a déjà 4000 ans. Cette glaciation a laissé
de profondes empreintes dans le paysage tels les grands cirques
(Lescun, Gavarnie, etc...), les larges vallées en auges
creusées par des langues glaciaires qui descendaient
des hauteurs et s'étendaient sur plus de 50 km de long
(vallée d'Argelès, d'Ossau, etc...) ou encore
les multiples lacs d 'altitude (lac de Gaube ou de Lourdes,
lacs du massif de Néouvielle, etc...) et tourbières.
Le réchauffement enregistré depuis le XIXe siècle
conduira à la disparition totale des derniers grands
glaciers pyrénéens confinés dans la haute
montagne (Vignemale, Aneto, etc...).
Comment les torrents érodent et modèlent
le paysage?**
Les
torrents concentrent toutes les eaux de ruissellement de la
montagne. Ils jouent un rôle important dans l'érosion
des fonds de vallée et dans le déplacement des
éléments qu'ils transportent, trient par décantation
(suivant leur taille et leur poids) et déposent plus
ou moins loin. Ces matériaux charriés vont de
la taille de fines particules qui troublent les eaux à
la taille de galets ou blocs encore plus gros qui roulent et
creusent le lit des torrents et dont le transport, effectué
par à-coups vers l'aval, dépend de la vitesse,
du débit et de la turbulence du cours d'eau.
La pente des montagnes et les précipitations sont
donc très importantes
Dans
les Pyrénées ces torrents, appelés gaves
et rios, ont un grand pouvoir d'érosion car les pentes
sont fortes en haute montagne. Leur incision crée des
gorges étroites dans les roches calcaires qui font le
bonheur des amateurs de canyoning. Dans le fond des vallées,
lorsque la pente devient plus faible la charge transportée
se dépose, graviers et galets forment ainsi des digues
naturelles (les levées), le gave devient plus
sinueux et durant les périodes de crues, l'étalement
des rivières provoque le dépôt des alluvions.
L'agriculture s'est ainsi d'abord développée dans
ces fonds de vallées fertiles tandis que les villages
s'établissaient légèrement en retrait à
l'abri des inondationss. La
vallée d'Aspe en forme de V typique où
coule le gave d'Oloron montre bien la force de l'érosion
et l'épandage épais des galets qui tapisse les
plaines au pied des montagnes (par exemple le plateau de Lannemezan)
est la preuve de la puissance du phénomène à
l'échelle géologique. Cependant cette mise en
forme, si elle s'entretien encore de nos jours, date en fait
d'une érosion fluviale beaucoup plus intense dans le
passé lorsque les glaciers ont commencé à
fondre, alimentant pendant des milliers d'années ces
vallées par des quantités d'eau colossales.
Comment
le vent érode et modèle le paysage?**
Le
vent agira surtout sur les surfaces dénudées de
la haute montagne et transportera en suspension les plus fines
particules, ne laissant que les surfaces caillouteuses. Les
poussières abrasives soufflées en continu par
le vent des sommets poliront la surface des roches rencontrées.
Le
vent a ainsi transporté ces particules sur de grandes
distances durant les dernières glaciations quaternaires,
déposant le limon fertile (loess) dans les riches
plaines au pied des montagnes. Ceci peut étonner mais,
de nos jours, dans les Pyrénées le phénomène
de la neige rouge n'est-il pas dû aux poussières
en provenance... du Sahara?
Quelle est l'action de la gravité sur
l'évolution du paysage?**
La
gravité est un phénomène majeur pour expliquer
la chute et les déplacements en masse de matériel
rocheux. On différenciera les éboulements,
les écroulements ou les glissements de terrain,
selon l'importance du matériel mobilisé. Les cônes
de déjection sont l'illustration la plus fréquente
de ces éboulis en bas de pente. Par ailleurs, l'eau qui
imbibe les terrains, le gel qui fait éclater les roches
ou les petits tremblements de terre fréquents dans les
Pyrénées aideront également à déstabiliser
les rochers et les terrains pentés. Les avalanches
de neige font également partie de ces phénomènes
gravitaires qui laissent de profondes travées déboisées
dans le paysage.
(Cône
d'éboulis dans la régionde Gavarnie)
Quelle
est l'action de l'homme sur l'évolution du paysage?**
Avec
la domestication animale et le pastoralisme, l'homme
s'est attaqué à la forêt depuis 5000 ans.
Au cours des siècles il a donné à une grande
partie des paysages d'altitudes leur allure actuelle: ce sont
les estives où la transhumance conduit chaque
année les troupeaux pendant l'été.
Par ailleurs la richesse minière des Pyrénées
est connue de longue date. Plomb, zinc, argent ou fer étaient
déjà exploités par les Gallo-Romains et
ces exploitations minières (pour beaucoup encore en activité
après la seconde guerre mondiale) ont provoqué
des aménagements conséquents de la montagne.
Les villes et villages ont modifié le paysage des vallées,
exploité des carrières, aménagé
les cours d'eau et des infrastructures importantes à
travers la montagne pour la communication et le tourisme Les
sources thermales très prisées des Romains le
sont encore de nos jours tandis que le tourisme d'hiver et d'été
amène des milliers de visiteurs dont le passage n'est
pas sans impact sur l'environnement.
Pour en savoir plus:
*
Encyclopédie Théma - Les agents de l'érosion,
reliefs et types de roches. Ed Larousse, 1992
* Les Pyrénées - la vie sauvage en montagne et
celle des hommes - C. Dendaletche -Ed Delachaux et Niestlé,
1997
* Le guide de la France préhistorique -Ed Gallimard,
1997
**
Guides géologiques régionaux - Pyrénées
occidentales Béarn et Pays Basque- ED. Masson,1976
** Pyrénées 500 millions d'années - itinéraires
géologiques dans le Parc National. Ed. BRGM, 1983
** Guides géologiques régionaux - Pyrénées
centrales franco-espagnoles - ED. Masson,1992